Friday, March 30, 2007

Jazz à Tana

Ceux qui connaissent un peu Tana, savent la passion de toujours de la ville pour la musique en général. Pour fêter ses 50 ans, la chanteuse Anna a réuni un Big-Band avec toutes les stars du Jazz malgache pour nous interpréter les plus belles chansons d’amour…

Ce soir-là on était plutôt mal parti. J’avais eu l’autorisation de filmer le concert, mais un plus tôt dans la journée, Anna, l’organisatrice et chanteuse leader de la formation m’appelle pour annuler, car la chaîne de télé TV+ était aussi dans le coup et voulait absolument garder l’exclusivité des images. Du coup c’était râpé pour engranger une ou deux cassettes pour mon documentaire sur les jazzmen à Tana. J’en profite pour finir deux trois trucs au bureau. Je lève le nez du banc de montage, il est 18h30. Le concert commence dans une demi-heure ; il faut passer prendre Rado et Hentsoa ; il faut que Ben se prépare et je ne sais même pas où se trouve la salle en question. C’est un peu un classique, et comme on n’est pas à Paris, y a pas vraiment de raison de stresser pour ce genre de situation. Je chope un appareil photo et on s’embarque avec Ben et le reste de l’équipe dans la DDC-mobile.

On approche de la salle. Claquements de la section des cuivres au loin, envolées de la voix chaude et sensuelle d’Anna. Orchestration surréaliste pour le balai des 4x4 rutilants guidés par des agents de parking en combinaison fluo, lampes de guidage clignotantes en main. Land Cruisers blancs aux plaques minéralogiques couleur vert ambassade. Vert développement. En sortent des tenues de gala, des paillettes, des pingouins, des permanentes et des after-shave mondains. On se presse sous la pluie, soulevant la robe de soirée d’une main, tenant son carton d’invitation dans l’autre. Pas un mot ni un regard au garçon de parking, ni au portier. Un peu décalée notre fine équipe : Jeans troués, T-shirt froissé et barbes mal rasées. Les pieds dans l’eau et sans carton d’invitation, nous échangeons quelques regards. Même en rentrant le T-shirt dans le pantalon… rien à faire, on ne s’incrustera jamais habillés comme ça.

Alors on remonte en voiture, on passe chez Hentsoa prendre des chemises, se passer un coup de peigne et c’est reparti. Retour chez les pingouins qui nous dévisagent de la tête aux pieds. Palabre avec le service de sécurité, les organisateurs, alors que se termine le premier set. J’en profite pour faire un signe à des musiciens que j’avais rencontrés lors des séances de répétition. Anna vient finalement à notre rescousse et nous laisse entrer. Ouf !
Ambiance soirée dînatoire, tintement de couverts, le public s’affaire autour d’un grand buffet. Au salad-bar, on discute de programmes de développement, d’indices de pauvreté et des grands projets que les bailleurs de fonds ont pour Madagascar. Un peu plus loin, on échange des tuyaux sur l’import-export en se servant des lasagnes. Puis de retour à sa table, on rapporte à ses voisins les petits potins, on évoque les dernières entraves à l’épanouissement du secteur privé dans le pays, et l’on échange des cartes de visite sans même prêter attention au deuxième set qui commence.Sur scène, c’est l’extase. Après avoir soufflé les 50 bougies du gâteau, Anna passe d’un standard à l’autre avec l’aisance d’un vraie star de jazz. Face à son public, la chanteuse entame un « You don’t know what love is » sur des arrangements bien sentis avec un quatuor de cordes dans un style très simple mais très efficace, qui fait éclore toute la finesse des musiciens malgaches. Toutes les grandes chansons d’amour y passe, pendant que les couples se pressent devant la scène pour danser. Me faufilant entre les caméras de télévision, je tente de documenter ce petit moment de bonheur avec quelques photos. Les musiciens se font plaisir, ça se voit. La fête est une réussite.

Le Big Band comme communauté, la musique comme valeur commune, Anna en grande prêtresse, Madagascar en toile de fond…

be*mot © 2007

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