Thursday, April 26, 2007

Cadeau Bianco

Janvier 2007. L'Ile Rouge est encerclée de cyclones. Il pleut sur Tana, les côtes sont inondées, les vents en rafales couchent les palmiers sur les plages d'Est en Ouest, les averses ininterrompues s'infiltrent dans les cases en toit de raphia, dans les cours bétonnées des hôtels bon marché et font déborder les quelques caniveaux de la capitale. Début d'année pluvieux donc. Un samedi idéal pour faire quelques courses en centre ville. Hystérie du trafic Tananarivien, sous les cordes diluviennes, coincée dans les vapeurs lourdes des taxi-B et des 4X4 des ONGs, policier en faction, chemise blanche totalement trempée, sifflet rouillée et regard ombragé. Je change de file, coupe la ligne blanche. son regard croise le mien. Moment d'incertitude. Flottement de nos pensées au ralenti, au compte goutte. Va t'il? Va t'il pas?

Etait-ce un coup de sang? Un effet de raz le bol? Toute cette flotte qui colle à la chemise sans galons; et puis le sentiment d'injustice et la frustration toute policière de la corvée de circulation? Quand le coup de sifflet a retenti accompagné d'un signal de la main en direction de mon véhicule pour que je me gare sur le coté, j'ai compris qu'il tomberait des cordes avant que je sois sorti des griffes de cette personnification de la fonction publique malagasy.

Négociations houleuses tempérées par mes sourires forcés et des explications intangibles sur le code de la route franco-malgache et l'éventuelle flexibilité d'un agent de police envers un pauvre touriste, une blague de toto pour détendre l'atmosphère, je pointe du doigt un Taxi-B qui lui aussi coupe la ligne blanche dans l'indifférence la plus totale... Pourparler humides. Carte grise gonflée de pluie. Pas de permis de conduire sur moi. Pas de papiers d'identité non plus.

J'en viens donc à penser aux orphelins de la police... Après tout ce pauvre bougre n'a pas de chance: toute cette pluie, toutes ces voitures, les gaz d'échappement, le bruit strident du sifflet à longueur de journée, les vazaha récalcitrants et irrespectueux des règles de conduites élémentaires. En plus de me rendre ma liberté, un petit bonus façon BIANCO lui remonterait sans doute le moral. Le dilemme n'a pas le temps de s'installer, je fouille dans ma poche pour en sortir un billet à l'effigie d'une belle plage de Fort Dauphin. La corruption c'est simple comme une poignée de main... Ni vu, ni connu. Pas vu, pas pris. Au revoir monsieur l'agent. Bonne année !

Je remonte en voiture. Coup d'oeil dans le rétroviseur. L'homme redresse son képi et marche d'un pas décontracté vers le milieu du carrefour tout en rangeant son pourboire dans sa poche. L'air de rien il remet son sifflet rouillé au coin de la bouche. Circulez, y a rien à voir.

Ce n'est pas le premier flic que je soudoies. L'Afrique est une bonne école pour apprendre que tout code de la route est renforcé d'une fiscalité libre, invisible et appliquée selon les humeurs des agents de la fonction publique ou selon le nombre de barrages routiers. Tout ça ne contribue pas à remettre les caisses de l'Etat à flot, ni à restaurer les infrastructures publiques. J'en convient. Ca contribue simplement à nourrir des familles nombreuses de fonctionnaires qui touchent en moyenne 10 à 15 Dollars par mois (quand il sont payés), qui vivent dans des logements insalubres et ne bénéficient d'aucun avantage social. Bien sûr c'est pas non plus de l'aide humanitaire...

En tout cas c'est pas une passation de marché d'exploitation pétrolière au moyen orient, c'est pas un rachat d'équipe de foot par un magnat du gaz Russe, c'est pas un financement de campagne électorale présidentielle par la mafia sicilienne, c'est pas une concession diamantaire au prix d'un génocide, c'est pas les frais de représentation de feu l'ex-Président de l'ARC, c'est pas tout un tas de choses bien plus dégueulasses... mais ça laisse tout de même une impression bizarre.

Allez bonne route !

be*mot © 2007

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